Le dome des Ecrins en splitboard

Johan Gaume et Thomas Delfino sont plein de ressources. Si vous les connaissez, c'est surement pour leur coté freestyle. Mais il serait bien réducteur de les y cantonner. Ils ont voulu essayer la rando en splitboard, et pour un premier test se sont lancés à l'assaut du Dome des Ecrins, un truc généralement réservé aux connaisseurs. 

Ha, pour info. Ce sont des novices en rando mais en plus de rider fort, Johan a un doctorat en nivologie, et Thomas est hyoeractif étudiant en fac de sport et très musclé possède une condition physique à faire palir un cycliste du tour de France. Alors comme ils disent à la télé : ne tentez pas de reproduire ce que vous allez voir dans cet article, il a été réalisé par des professionnels.

Texte: Johan Gaume; Photo: Johan et Thomas Delfino

Ca faisait déjà plusieurs fois qu'on se disait avec Thom qu'on voulait faire notre baptême d'alpi en splitboard et notamment d'un sommet de plus de 4000m. Alors d'aucuns diront qu'il aurait été pas mal de commencer avec quelque chose de plus easy qu'un 4000 mais bon, on était chauds, on voulait direct toucher au graal, la haute montagne, les glaciers, la peur, l'effort et enfin la récompense méritée, un bon gros dénivelé en snowboard ! Alors, oui, les puristes diront qu'on s'est peut être un peu précipités, qu'on était peu préparés et pas du tout expérimentés, c'est vrai... mais c'est aussi ce qui a fait qu'on a vécu un des meilleurs moments de notre vie, passant par des sentiments d'excitation, de crainte, de difficulté physique, d'entraide et finalement d’euphorie !

Alors voilà un peu comment ça s'est passé:

J-3 (11/06/12): Appel de Thomas : « Jo, il fait beau pendant 5 jours et il vient de neiger, on va faire le Mont Blanc? ».

Moi: « Le guide coute 800euros les deux jours, c'est chaud, on a qu'à aller faire un 4000m un peu plus simple, style le dôme des écrins, on se renseigne un peu et on y va sans guide vu que toutes les conditions sont bonnes ? On y va après demain? » 

Thom: « Okayyyyyy let's gooo !!! »

J-2: Passage chez Eric Labbé, ancien shaper de renom reconverti dans les travaux acrobatiques, pour récupérer du matos (on n'avait rien à part un baudar chacun !!). Alors cordes, mousquetons, sangles, stoppeurs pour faire des moufflages (pour secours en cas de chute dans une crevasse), piolets ! Alors un gros merci à Eric qui avait tout en triple exemplaire et pour m'avoir appris à faire un moufflage !

J-1: Je passe au boulot (Cemagref) ou environ 80% des personnes ont déjà fait le dôme en alpi afin d'avoir quelques conseils sur les différentes voies possible. Conclusion: Une voie facile mais ultra exposée par les chutes de séracs et où il y a "régulièrement" des accidents. Une voie plus difficile, plus physique, au droit mais non exposée. Bon, ça rassure pas trop, on verra bien ce que feront les autres cordées. Oui parce que je m'étais quand même renseigné auprès de la gardienne du refuge des écrins à l'avance pour savoir si d'autres personnes prévoyaient de monter ce jour là. La réponse était oui, et elle a rajouté: "C'est la première montée depuis presque 1 semaine et il y a environ 60cm de neige fraiche" !!!! Okay c'est parfait !! Un collègue m'apprend ensuite à faire des nœuds de cordées et voilà, on est (théoriquement) parés.

Ensuite on passe aux bureaux de fluofun récupérer la splitboard de Lucas, (WebDesigner chez 1997media, encore merci !) qu'il m'a généreusement prêté, on passe louer des crampons et j’apprends finalement à Thom ce qu'on m'a appris sur le parking de chez moi. S'en suit une longue nuit partagée entre excitation et peur. J'avoue que je me demandais un peu pourquoi on allait faire ça, sans aucune expérience, j'avais presque envie d'annuler au fur et à mesure que je lisais des articles d'accidents sur le net (c’était peut être pas ce qu’il y avait de mieux à faire, mais bon…). Mais on allait bientôt comprendre pourquoi...!!

Jour J. 

C'est parti pour environ 5h de montée depuis le pré de madame Carles jusqu'au refuge des écrins avec plus de 10kg sur le dos (c'est lourd un split !). On chausse pour la première fois les skis (la facilité de switch snow/ski est impressionnante) sur le glacier blanc d'où on a une vue imprenable sur le dôme des écrins. On croise d'autres cordées en crampons et on remarque que notre équipement "outerwear" est plutôt original (short, tshirt, casquette) si on fait la comparaison... mais bon, il fait super chaud et on est à l’aise... On arrive au refuge, on s’installe et on discute un peu avec d'autres randonneurs. On chope quelques conseils et on apprend que le réveil pour l'ascension du dôme est prévu à 3h ! On savait que ça commençait avant l'aube, on avait prévu les frontales mais on ne pensait pas que c'était si tôt ! Allez souper à 17h30 et dodo à 20h!

J+1. 

Départ et descente à la frontale et en crampons jusqu'au glacier blanc dans une neige béton armée. On enfile les peaux et on arrive au pied du dôme au lever du jour. C'est magnifique ! Deux cordées sont parties avant nous et on commence la montée des 900m de dénivelés en suivant la trace par la voie non exposée mais plus physique. Il y a bien 50cm de vrai pow (le 15 juin !). Et c'est vraiment physique. Je me souviens pendant la deuxième partie de la montée, Thom est repassé premier de cordée et la raison principale qui me faisait continuer c'était de ne pas tendre la corde et bloquer Thom dans son effort, qui souffrait tout autant ! 

Je crois que c'est la première fois que je luttais autant physiquement, et vers 4000m j'ai commencé à avoir du mal à respirer. 

Après quelques pauses et un bon coup de motivation mutuelle pour le dernier petit effort, on arrive au sommet vers 9h, quasiment sans retard par rapport à la cordée qui nous devançait ! C'est LA qu'on a compri pourquoi on avait fait tout ça !!! 

On était sur le plus haut sommet de l'Oisan/Pelvoux, il faisait grand beau, une vue magnifique, il y avait 50 de pow et on s’apprêtait à être récompensés de notre effort ! On allait savourer, rider cette pente en solo, rien que nous deux (les autres cordées n'avaient pas de skis, ils étaient juste en crampons et... un peu jaloux!!). 3 minutes plus tard, on avait descendu le dôme, traversé le glacier blanc à Mac12 et on avait le smile jusqu’aux oreilles !!! 

On avait repéré la veille une petite langue de neige qui nous permettait de descendre encore 600m de dénivelé dans une neige de printemps pas très stable et dure à rider. C’est là qu’on comprit l’intérêt du piolet à la descente. Deux heures de marche plus tard on était à la voiture avec la sensation d’avoir accompli quelque chose de grand, au vu de notre expérience, tout en se sentant tout petit à coté des éléments auxquels on s’est frottés. En tout cas on y a vraiment pris gout et ça nous a donné envie de nous y mettre plus sérieusement pour cette saison avec le Grand Paradis comme prochain objectif et ensuite le Mont Blanc !