Gigi Ruf Interview

Il y a 2 semaines, à l'occasion de l'avant première 9191 à Lyon, on s'est posé dans le salon d'un bateau avec Gigi Ruf et le filmeur/collaborateur de son dernier projet, Jake Price.

Gigi nous fait le topo sur sa saison, parle du film DVD et de sa conception/réalisation et nous explique qu'il ride mieux que les autres surement parce qu'il... ride plus souvent que les autres. Retrouvez l'interview de Gigi et Jake dans la suite, accompagnée d'un portfolio signé Cole Barash (et oué).

Fluofun: Salut Gigi!
G : Salut fluofun, ca va ? je m’appelle Gigi Ruf. Je suis Autriche et je fais du snowboard. (ndlr: en français)

J : Tout pareil! Je suis Jake Price, réalisateur.
 
Vous avez quel age et vous venez d'où?
G : Je suis Gigi, je suis autrichien et j’ai 28 ans. Je fais du snowboard professionnellement depuis 10 ans. Et on vient de faire le film 9191 qui parle de ma dernière saison, et le filmer/producteur est a ma gauche.
 
J : Salut je suis Jake Price, j’ai 28 ans, je viens de Bend, Oregon, et je filme Gigi, c’est mon job. Je … m’amuse beaucoup à le suivre et le filmer. J’allais parler de fric, mais bon. Je suis payé pour filmer Gigi et faire du snow avec lui tout le temps.


 
C’est comment de shooter avec Gigi ?
J : Gigi shoot super bien, surtout pour quelqu'un qui n'a jamais eu de flingue. Il a shooté l'aigle en alaska. En plein mille. Oué oué, celui qui est dans les crédits, il l'a tué... Bon sérieusement, c’est vraiment dingue de filmer avec Gigi, c’est impressionnant, et toujours très amusant.
 
Gigi, comment est ce que tu peux gérer ton temps pour faire 3 parts ? Tu as la Pirates, la Absinthe, et la 9191…
G : En fait... je fais juste du snowboard, je n'ai pas d'autres activités... Et quand je vais faire du snow avec mes potes, il se trouvent que eux filment aussi avec des boites de prod, donc le tout se fait assez naturellement.

Il faut quand même avoir les tricks pour trois vidéos...
Je me focalise toujours à 100% sur une chose à la fois. Quand je suis avec mes potes les Pirates, je tourne avec eux. Quand je pense qu’il est temps de passer à autre chose, je vais filmer avec Absinthe.
 
J : Chaque fois qu’il ride, il y a toujours quelqu’un là pour filmer.
 
G : La saison dernière, j’ai seulement filmé pour 9191. C’était vraiment ma priorité, à 100%. Vous pourrez y suivre tous mes voyages... et il y aura aussi un peu de pirates, et un peu d’Absinthe dedans.
 
Donc on verra les mêmes images dans les films différents ?
G : Pas les mêmes images, mais les mêmes spots et les mêmes sessions parfois, avec d’autres angles.
 
D’autres riders sont impressionnés par ce que tu produit en une saison…
G : haha, je pense qu’ils y accordent trop d’importance! Personnellement je n’y pense jamais.
 
Quand j'en parlait avec eux, ils disent que c’est aussi parce que tu ne te blesses jamais... Et Sylvain Bourbousson disait que tu ne te blesse jamais parce que tu poses tous tes tricks.
G : haha, merci Sylvain! Non pas vraiment, je me fais aussi peur de temps en temps! Une, deux ou trois fois par saison pour les bonnes saisons.
J : Mais tu t’es blessé en fait cette année.
G : Oui c’est vrai, mais c’était sur le tout dernier jour de la saison. J’ai eu de la chance.
 
Tu ne fais pas partie de ceux qui passent du temps à la salle de muscu alors?
G : Non, je suis un poids plume. Je m’échauffe aussi. Je suis pas vraiment focalisé sur le fait de faire le plus gros jump, je ne me mets pas la pression. Et quand je me blesse, je suis plutôt rapide à me remettre sur pieds.
 
J : Je pense que Gigi fait plus de snowboard que la plupart des autres pros. Beaucoup sont concentrés sur le fait de construire un gros kicker, et puis le fait de le sauter. Toi, tu veux faire du snowboard tous les jours, donc tu fais plus de runs que tout le monde je pense, ce qui fait une grosse différence. Plutôt que de se muscler les jambes sur un vélo d’appart ou de faire de la muscu, tu fais du snow et tes muscles travaillent naturellement.
 
Il y a peu de riders qui ont leur propre film, même si tu n’es pas tout seul dans celui-ci...
G :J’étais un peu nerveux au début du tournage car je devais produire des images pour un film entier, plutôt qu’une part de 2 minutes. Avec Jake, on avait besoin de beaucoup d’images, donc on a fait le plus de snowboard possible. Jake filmait tout le temps et n’a jamais posé la camera. C’est ce qui a rendu 9191 possible. La neige était plutôt mauvaise en début de saison et on a fait quelques trips un peu mauvais... On a beaucoup voyagé et en fin de compte, on a vraiment commencé à filmer en début février. On a fait 4 trips sans ramener aucune image. C’est à ce moment que j’ai appelé Volcom pour leur dire que j'avais la pression et que je ne savais pas si j’allais pouvoir leur livrer un film complet. Ils m’ont dit : ‘Ne t’inquiètes pas, va t’amuser, et on prendra la décision en fin de saison si oui ou non on fait le film cette année’. Donc on a continué ce qu’on avait commencé... et on a réussi à faire pas mal d’images! Vers mars, on est allés à Jackson Hole où Bryan Iguchi nous a servi de guide, il connaît tous les bons spots. Il y avait aussi Wille Yli Yuoma. C’était un bon début.
 
Le film fait environ 20 minutes, c’est parce que vous n’aviez pas assez d’images ?
J : Non, en fait, même avant de commencer à filmer pour 9191, on voulait que le film fasse 22 minutes. Rien de plus.
G : Court et bien ! haha ! En plus, c’est plus ou moins la durée pendant laquelle on est attentif. Mais le film vient avec beaucoup de bonus et beaucoup de choses ne sont pas dans le film principal. On aurait pu en rajouter mais on ne voulait pas que ça devienne chiant!
 
J : Pourquoi mettre tous les trucs chiants quand on ne peut garder que le meilleur? C’est sur le DVD qu’on aura tous les extras. Il y a déjà eu tant de vidéos de snowboard dans le passé. Et on apprend des choses en les regardant. Il y a beaucoup de vidéos où les gens parlent beaucoup, avec un tas de trucs à la rien à voir, avec les mêmes plans qu’on revoit 3 fois sous des autres angles, avec des ralentis... On a essayé d’éviter tout ça. On voulait que ça soit aussi droit au but que possible, sans toutes les conneries.

Alors on ne voit pas ta mère dire à quel point tu étais un enfant dynamique et gentil?
 
G : haha, non, on a vraiment fait beaucoup de snowboard, et on voulait que le film parles du snow et rien d’autre.
J: Il n'y a pas d'histoire, juste gigi qui ride et qui pousse le snow.
G: En fait je ne connaissais pas Jake avant de faire le film, et j’ai appris qu’il avait fait beaucoup de films que j’aime vraiment bien.

Quels films ?  Tu as déjà bossé sur quoi ?
J : J’ai commencé sur Afterlame, pour Robot Food. Ensuite, tout s’est enchainé ; J’ai fait December pour Airblaster et puis 91 Words for Snow, et enfin Gap Session. Le 2e film que j’ai fait tout seul était Ire 77, avec Lucas Hoffmann. Ensuite j’ai bossé sur DC Mtn Lab 1.5 et une série Volcom TV appelée Wondering Winterland, et Blizzard Bizarre, et maintenant, son film.

Un enfant de la génération Wikberg/Benedek alors?
J: Totalement! Wikberg, Jess Gibson, ce sont mes profs, ils m'ont tout appris. Et Benedek m'amenait avec lui, avec Travis Parker et...

Comment est ce que tu t’es retrouvé à faire le film d’un gars que tu connaissais pas ?
J : Je pense que c’est la meilleure partie de l’histoire. On parlait initialement à Volcom pour faire un film, et ils m’ont dit qu’ils voulaient que je fasse le film de Gigi. Au début, je me suis dit ‘merde je n’ai pas envie de faire  un film sur le passé de Gigi…’ car je ne suis pas vraiment à ma place pour le faire.
G : Je voulais que ça soit sur ma relation avec Volcom, ils m'ont dit : ‘fais ce que tu veux avec’
 
Est ce que tu réalises que le dernier film que Volcom a fait sur un gars, c’était Subject Haakonsen en 1996 ? (ndlr: et Bruce Irons en surf en 2005)
G : Oui on me l’a déjà dit. Au début la comparaison m’embêtait. J’ai ensuite réalisé que ça allait vraiment être différent car on avait tout le contrôle sur ce qu’on voulait faire. J’ai donc appelé quelques potes avec lesquels j’aime bien rider. Il n’y avait pas vraiment de plan, je disais juste ‘je veux rider avec Nico, ou Wolle, ou aller en Alaska’, et les choses ont commencé à se mettre en place. Ce n’était même pas tous des riders Volcom, et ils étaient super cool avec ça.
Au final je ne me lasse pas de le voir. Je le regarde entièrement à chaque projection!
 
J : Le projet a été gardé secret pendant longtemps. Personne ne savait ce qu’il se passait, et encore maintenant, beaucoup s’attendent à un film sur la vie de Gigi. Il y avait 4 personnes directement impliquées dans le film: Gigi en snow, Baron pour la musique, Bille Anderson chez Volcom et enfin moi-même. Billy nous arrangeait tous les voyages et rendait les déplacements possibles, mais on bossait majoritairement à 3 avec Baron et Gigi.
 
G : On s’est vraiment bien marrés. Jake s’est vraiment mis au cœur du projet. Je réalise maintenant en voyant le résultat final que c’est lui qui a rendu 9191 possible. Ce qu’il a fait avec les images, je ne le comprenait même pas avant de le voir terminé. Le film évoque plein de souvenirs. C’est vraiment cool. Cette saison a vraiment été spéciale, surtout avec le film.
 
Comment c’était de travailler avec Baron ? Est ce qu’il a créé des chansons sur lesquels tu montait ou est ce qu’il a créé les chansons en fonction du montage? Cette approche me fait un peu penser à Clé de Cliché, pour lequel des groupes de musiques ont fait la BO en live...

J : Ha oui, Fred Mortagne fait définitivement partie de mes influences! Ceci dit, je n'avais pas fait le rapprochement avec Clé... pour ce film il y a eu de tout. Au départ, on s’est envoyé des chansons qu’on aimait tous bien. On lui a aussi montré quelques parts de snow avec des musiques différentes, plus pour des moments qui font ressortir des émotions. On s’est échangé plus de 100 chansons, et elles se ressemblaient vraiment. On avait vraiment des gouts musicaux qui se ressemblaient. Pour le teaser, je lui ai dit : ‘Salut mec, moi c’est Jake. On fait un film de snow, et on sort un teaser, tu peux nous faire une chanson ?’. C’était un vendredi, on a eu la chanson le samedi, j’ai fait le montage dimanche, et on l’a lâché le lundi. C’était un procédé de 3 jours.

Et voilà ce que ca a donné:

 
J :  On a fait la direction artistique nous même, le tout est très artisanal. Baron nous a fait la demande pour faire le film complet. C’est un gars tout seul, mais il joue de tout, c’est classe.
G : Sauf la batterie, mais on a eu le meilleur batteur du monde, Dave Lomabardo, de Slayer. On a aussi eu Jamie Lynn qui chante un morceau.
 
J :  Dave est venu jouer quelques solos pour le film. J’avais monté un clip de 1 minute 30, il ne savait pas vraiment ce qu’on faisait. Mais je l’ai projeté sur un mur devant la batterie, et on a appuyé sur ‘enregistrer’. On a mis la vidéo en boucle, et il a improvisé sur le passage. C’était surréaliste! C’est un des bonus du DVD, et c’est clairement mon passage préféré de toute la vidéo. Cette partie ressemble à Clé dans la démarche finalement.
 
G : La B.O. est trop bien. Dès que tu l’écoutes, tu as envie de rider
 
Tu écoutes de la musique en ridant ?
G : Non, seulement sur la route pour monter, pour me motiver.
 
Et tu penses que les gens qui écoutent de la musique en ridant et en allant faire du snow vont écouter cette BO ?
J : C’est clair ! Tout le monde va écouter ça en allant rider! Ça donne vraiment envie d’aller rider.

Extrait de 9191 en rythme du solo de Dave Lombardo, mixé par Baron:

 
Dernière question, pourquoi tu ne rides pas pour Yes ?
G : Money Money Money! Where's the money YES?! haha! Non, blague à part, je suis assez impliqué chez Volcom pour développer mes boards et je suis super content de bosser avec eux là-dessus. Je fais ce que je veux et je n’ai pas de pression de vendre mon nom ou d’avoir autant de résultats. Le seul truc que j’ai avec Volcom c’est une ligne outerwear qui a mon nom dessus. Mais pour les boards, on produit des idées, et on les teste. Union est un autre de mes sponsors très cool. Je bosse avec eux pour développer mes fixes. Pourquoi je ne ride pas pour Yes ?  En réalité je ride un board Yes, qui a un Volcom Stone dessus, mais elle est quand même modifiée. (ndlr: + rires, clins d'oeil, lols et blagues interdites de publication)
 
Tu veux parler matos, tu es un peu geek niveau matos de snow ?
G : Je dois avoir une board Twintip, 158, flex directionnel avec un tail plus rigide, et du pop. Je dois avoir une board avec un cambre normal: j’ai besoin de contact et carre effective. J’ai essayé des boards avec rocker, mais je n’aime pas trop. Ça pardonne les erreurs mais, mais si je veux aller sur un wall, j’ai besoin de précision, j'ai besoin d'arriver précisément là où je veux aller, pas "à peu près".
 
Quelque chose à ajouter ?
G : Fluofun… okay, pour tous les snowboarders, foncez, et effrayez les skieurs!
J : Coupez leurs têtes!
 
G : Au fait, tu sais pourquoi le film s’appelle 9191 ?
Bah à cause de 9=G et 1=I? 9191=GIGI? on est des geeks nous aussi hein!
Pas mal, c'est effectivement un code pour mon nom, mais c’est aussi parce que j’ai commencé le snow en 91, et que Volcom a été lancé en 91, tous ensemble!
 
Waaaa, c'est beau... Bon allez, des anecdotes pourries l'un sur l'autre?
G : Il peut pas avoir de barbe, mais il mange super épicé
J : Ouai, et Gigi ne peux jamais me suivre.
G : C’est vrai, on a été manger du chili juste avant, et je me suis mis a pleurer.
J : T’étais sûrement trop excité pour l’avant première.
G : Regardez le DVD. Il y a pas mal de trucs que j’aurais préféré ne pas voir dessus... Mais c’est plus drôle avec.
J : C’est comme ça, on est des snowboarders, on aime faire des conneries !

Retrouvez aussi l'interview de Gigi Ruf en Anglais sur Fluofun.com.
Interview: Pj pour Fluofun. Mise en page: Jon.
Photos: Cole Barash / Nike Snowboarding